L’anthropologie peut-elle nous aider à mieux comprendre les relations entre individus au sein d’une entreprise ? Plus généralement peut-on partir du postulat qu’une entreprise peuplée de quelques salariés à plusieurs milliers aurait les attributs d’une petite société pouvant se prêter à une ethnographie intensive. Cette fameuse « observation participante » préconisée par les premiers anthropologues modernes, Bronislav Malinowski et Marcel Mauss.

S’il est vrai que la sociologie a investi le champ de l’entreprise depuis de nombreuses années et que les travaux de Michel Crozier sur les organisations et les stratégies des acteurs font référence, pour autant le regard anthropologique est plus rare.

L’entreprise est une communauté de petite taille assez semblable à des modèles de sociétés dites « primitive » où pourra être menée des études qualitatives sollicitant les outils de l’anthropologue. La sociologie, plus à même d’étudier les grandes sociétés modernes et/ou en développement déploiera quant-à elle tout un arsenal d’investigations quantitatives.

Cette « communauté de salariés » est constituée le plus souvent selon un modèle prenant la forme de castes, de clans, voir de  « matrice » pour reprendre une terminologie ambiguë de l’entreprise. La parenté ou la filiation au sein de l’entreprise n’est que rarement consanguine (à l’exception potentiellement des sociétés de type familiale) mais s’appuie sur des relations tissées selon des considérations d’ordre techniques, sociales et/ou économiques et qui prennent la forme de rituels plus ou moins élaborés. On parlera davantage d’une parenté par adoption ou « construite » où s’échange des salariés selon un jeux plus ou moins complexe d’intérêts pour viser à un équilibre au sein de cet ensemble communautaire. Les apports extérieurs au groupe contribuent à élaborer des alliances qui visent à renforcer la communauté un peu dans l’idée des vertus du mariage exogamique développé dans la théorie Lévi straussienne.

L’embauche et la période d’essai illustrent bien des rites très codifiés qui concourent à la structuration du groupe à travers un processus  dit de « rites de passage ». Ce rituel de « passage » se décompose en trois phases: 

  • Préliminaire
  • Liminaire
  • Post liminaire

Les Anthropologues Arnaud Van Gennep et Victor Turner ont mis en avant ce dispositif  dans les rites de changement de statut social : naissance, communion, puberté sociale, et aujourd’hui… remise de diplome universitaire, nouvel emploi.

Après la sélection du nouveau salarié, une première phase de séparation ou plutôt ici de différenciation se met en place à travers le statut temporaire de la période d’essai qui vise à s’assurer des compétences techniques et social du jeune embauché. Sera t-il s’intégrer au sein de sa futur communauté sans pour autant en perturber l’équilibre ; la deuxième étape se caractérise par une période dite initiatique durant laquelle le nouvel embauché est temporairement mis à la marge du groupe. Il a un statut intermédiaire, il est rappelons-le en période d’essai et de facto pas encore incorporé officiellement au groupe. il doit en effet passer plusieurs épreuves et résister à un « bizutage » plus ou moins institué. Si l’étape initiatique est couronnée de succès, une phase dite d’agrégation s’opère sous la forme d’un retour officiel dans le groupe. L’officialisation de cette incorporation est matérialisée par la délivrance d’un écrit juridique : CDD ou CDI.

Regard anthropologique sur la tribu des salariés.
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5 pesnées sur “Regard anthropologique sur la tribu des salariés.

  • 29 mai 2015 à 18 h 16 min
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    Merci pour toutes ces infos, voici une bonne lecture. J’ai appris différentes choses en vous lisant, merci à vous. Bonne journée à tout le monde ! Fabienne Huillet neonmag.fr

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  • 24 juin 2015 à 13 h 03 min
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    Article fort sympathique, une lecture agréable. Ce blog est vraiment pas mal, et les sujets présents plutôt bons dans l’ensemble, bravo ! Virginie Brossard LETUDIANT.FR

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  • 26 avril 2016 à 8 h 40 min
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    Merci pour ce partage, c’est pas mal du tout. Je m’occupe de la partie actu pour la ville de la Rochelle et je ne vais pas hésiter à relayer votre article. Cordialement.

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    • 5 décembre 2016 à 16 h 21 min
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      Bonjour
      Merci à vous. Le blog va désormais s’enrichir d’articles avec des parutions mensuels.

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